127ème jour

01/08/2012 14:33

Après une nuit en bord de route avec boules quiès pour nos oreilles, nous sommes allés retrouver H&N de l'autre côté de la route. Les poteaux de la maison cubique neuve sont au garde à vous et attendent sagement le joli grillage vert qui délimitera la propriété. Nous préparons nos amis et leur bidigeonnons la tête de décoction de laurier pour les protéger des mouches qui se multiplient à vue d'oeil. L'argile verte de la nuit sur la jambe d'Hercule est encore là pour nous rappeler que notre compagnon doit se ménager...Rapidement, à l'entrée d'Antrain, nous le sentons en difficulté; Nox fait le boulot pour deux comme il peut mais Hercule doit suivre le rythme même s'il ne tire pas; c'est dur et il se déplace comme un danseuse étoile d'une tonne: léger sur la patte postérieure droite, lourd sur celles qui restent. Nous sentons que l'aventure touche à sa fin. Hercule a les yeux marqués de petites rides au dessus des paupières. Que ressent-il ce héros de quatres mois qui a avalé les kilomètres, ami dévoué de notre rêve ?

Nous nous arrêtons à l'entrée de Saint Ouen la Rouerie, dans la zone artisanale, à l'entreprise de maçonnerie en voyant un terrain vague qui lui sert de voisin. La secrétaire appelle la mairie, le maire nous autorise à nous poser. Nous manoeuvrons une dernière fois: arrière Hercule, côté mes bonhommes, droite, droite, marcher, arrêêêt, je sers le frein, pose les guides sur l'avancée et pleure.

Pierre vient se serrer contre moi. Nous avons vécu notre aventure durant 4 mois, 4 mois magnifiques, tous ensemble. Et c'est pas fini, nous repartirons me dit-il, je suis liquide, comme épuisée comme jamais depuis notre départ; je suis vide; Paul et Lisa ont compris et me regardent, je leur explique, les larmes en guise d'arguments !

Monsieur le Maire arrive en voiture et m'invite à le suivre pour donner à H&N un espace communal plus confortable. Je monte dans sa boîte en fer et rejoint la roulotte. Nous attelons une dernière fois nos moteurs vivants; Hercule ne dit rien et recule comme au premier jour. Nous croisons le deuxième con en 127 jours qui se croit le maître des routes, le chef de la circulation avec son gros camion. Nous le laissons défoncer un panneau sans bouger sous ses insultes hystériques. A côté de l'église, sur le parking, nous nous stationnons à plat: dernier arrêt...Hercule et Nox rejoignent leur pré immense avec un maxi paddock. Je serre le grand Hercule dans mes petits bras, je le rassure, le félicite, il reste contre moi...

Deux voisins arrivent; Sébastien n'osait pas, Claudine l'a accompagné. Ils nous offrent simplement TOUT ce dont nous avons besoin, là, comme ça, juste par gentillesse: de l'eau pour les chevaux et pour nous, une machine à laver à disposition, une douche, la possibilité de leur donner notre liste de courses, des biscuits pour Gipsy, la piscine gonflable pour Paul et Lisa...TOUT, si on veut bien sûr, c'est à notre disposition.

Je me dis que ce dernier jour est le résumé de notre voyage. Que la gentillesse est la plus belle des qualités. Que le partage est ce qu'il y a de plus beau. Que les qualités mises en avant dans notre société comme l'efficacité, la maîtrise des émotions, la capacité de gestion, le rendement ne sont que économiques et que lorsque nous nous sommes assis à la table de nos nouveaux voisins: Sébastien, Ludivine, les parents, Mathéo, Tiphany, leurs enfants, Martine, la grand-mère, Claudine et Manu, la tante et l'oncle, pour boire, manger et causer, j'ai su que c'était cela que j'étais venu chercher dans ce voyage familial: le partage et la gentillesse. Ces gens sont juste ça et c'est juste énorme. Des boulots payés au smic, des fins de mois difficiles, un écran plat 104cm acheté avec la prime de fin d'année, une voiture à crédit mais un coeur grand comme le ciel et une vision simple du monde où ils essaient de faire partager leur amour des autres. Juste ça, juste énoooooorme !